Je retrouve dans Le hasard et la nécessité (Paris, Seuil, 1970) de Jacques Monod l’étonnant simplisme et l’incroyable naïveté qui caractérisaient la philosophie socialiste régnante au 20e siècle. Les années soixante et soixante-dix en ont peut-être marqué la tragique cristallisation, pour ne pas dire fossilisation. Monod écrit:
L’éthique de la connaissance enfin est à mes yeux la seule attitude à la fois rationnelle et délibérément idéaliste sur quoi pourrait être édifié un véritable socialisme. […] Acceptée comme base des institutions sociales et politiques, donc comme mesure de leur autenthicité, de leur valeur, seule l’éthique de la connaissance pourrait conduire au socialisme. Elle impose des institutions vouées à la défense, à l’extension, à l’enrichissement du Royaume transcendant des idées, de la connaissance, de la création.
Sautez quelques lignes jusqu’aux derniers mots du livre :
L’homme sait enfin qu’il est seul dans l’immensité indifférente de l’Univers d’où il a émergé par hasard. Non plus que son destin, son devoir n’est écrit nulle part. À lui de choisir entre le Royaume et les ténèbres.
Pas un doute sur l’existence d’une sorte d’homme aggloméré qui « choisit » pour lui-même, c’est-à-dire qui choisit pour les autres et leur impose ses choix. Il est vrai que la théorie des choix sociaux (Arrow et al.) était toute neuve et que la théorie économique du bien-être n’avait que quelques décennies, mais, quand même, quelle ignorance, quelle vanité pour quelqu’un qui se prétendait scientifique!